Il faut qu'on parle

« IL FAUT QU’ON PARLE »
Pourquoi donc cette phrase peut-elle être comprise de façons si différentes ?
On dit « il faut qu’on parle » lorsque qu’un conflit, un désaccord, naît entre des individus et ainsi « il faut qu’on parle » est le parfait antidote du non-dit.
« Il faut qu’on parle » peut être prononcé doucement, avec bienveillance. Mon ami, mon fils, « Il faut qu’on parle » et alors naît chez le proche ou l’enfant tout à la fois la pointe d’inquiétude qui précède de possibles déchirements mais aussi l’espoir de dépasser la distance que l’on a senti s’insinuer.
« Il faut qu’on parle ». IL FAUT, le terme même de du comminatoire, de l’injonction. Celle du couple qui ne parle plus et dont l’un des membres étouffe sous le poids du silence. Celui du dominant qui s’apprête à signifier la sanction à son obligé.
Mais là, rien de comparable.
« Il faut qu’on parle » est le doux conseil d’une opprimée à ses sœurs. Il s’agit dans un premier temps de parler entre elles pour chasser le soupçon adressé à soit même de la folie, de la marginalité, de l’anormalité. Mais « Il faut qu’on parle » parce que la verbalisation, c'est-à-dire la capacité de dire, d'expliquer par des mots, de nommer, exprime la prise de conscience. Etre capable de parler d'une situation, d'une angoisse, d'un désir, c'est démontrer son appartenance au système conscient. Ce qui peut être dit, exprimé est conscient.
Le système conscient d’oppression des femmes ne peut reculer que par un système conscient de libération. Ainsi l’entrechoc des révolutions intérieures produit l’énergie dialectique de l’effet papillon qui, comme une onde pénétrante transperce les murs les plus épais.
Ainsi, « Il faut qu’on parle » nous emmène dans l’univers du cinéaste Jean Eustache au travers de son film quasi mythique de 1973, « La Maman et la putain ». Là, dans une atmosphère quasi proustienne, la fabuleuse comédienne Françoise Lebrun nous entraîne par un incroyable monologue de plus de 6 minutes dans un vertige hallucinant. Le flot de paroles sensuelles et souffrantes, filmé en un seul plan/séquence est un incroyable concentré du sujet principal du film qui est la mise en scène du tourment et de la souffrance amoureuse mêlé aux enjeux d’une libération sexuelle devenue mythique suite à la retombée du soufflet des espoirs d’émancipation soixante-huitarde.
L'une des caractéristiques les plus marquantes de La Recherche de Proust comme de La maman et la putain est l'importance accordée au temps que l'on perd.
Que l’on perd à ne pas parler, à ne pas nommer l’innommable car l’oppression et l’horreur n’ont parfois pas de mots. Ne dis-ton pas parfois « Il n’y a pas de mot pour le dire ».
Et pourtant il faut trouver ces mots car l’émancipation individuelle et la liberté collective sont à ce prix.
Au cours de cette performance, Rana Abu Laban nous en montre un chemin, peut-être le chemin.


Performance : Il faut qu'on parle

Inspirée d'un monologue de film, où jaillit la phrase « il n'y a pas de pute sur terre », cette performance questionne les problématiques des femmes à exprimer par la parole la sexualité dans toutes ses facettes. Désir, besoin, droit... sans jugement.
Est-ce la peur ? La culpabilité ? Le tabou ?
La sexualité est un besoin fondamental, pourquoi ne peut-on pas en parler ?
La libération du corps commence-t-elle par la parole ?
La parole peut-elle être le premier pas vers le changement de cette situation ?

Faire parler particulièrement les femmes qui vivent dans les pays où le sexe est tabou, presque un crime en dehors du mariage.
Le but de se projet est d'ouvrir le débat concernant tous ces questionnements... ou bienvenue au silence.

Tableaux : les voix du silence

Femme, tu es la terre.

Quand est ce que ta voix brisera le verre de ta fenêtre pour que toute une ville puisse l'entendre !

Au lieu de parler à la nature où il n'y a personne...juste le silence.

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Installation : I am Lina

Quatre robes sont présentées : la même robe, de la taille de l'enfant à celle de l'adulte. Elles appartiennent à une fille qui grandit. On peut lire sur les l'étiquettes « I am Lina » La blancheur du tissu figure la pureté de l'enfant. Mais, il est interdit à Lina de toucher son corps et d’aborder sa sexualité. Elle doit préserver sa virginité. Quand elle devient jeune fille, que son corps révèle ses formes, Lina doit les cacher, les ignorer. Elle perd son identité lors du mariage, en même temps que sa virginité. Sur l'étiquette de la dernière robe, on peut lire : « I was… ». Ce qui était pour le corps péché est devenu obligation conjugale.
L’installation est inspirée d’un des témoignages recueilli dans la boîte et lu au cours de la performance : une histoire de vie malheureusement répandue.

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